Régions de Arica y Parinacota, Tarapacá et Antofagasta, Chili
Des sources thermales où il n’y a personne d’autre. Des lacs de sel d’un spectre éclatant. Des cieux étoilés purs et révélateurs. Des volcans parfois fumants. Des lamas, des vigognes, des alpagas, des viscaches, des flamants roses, des rheas. Des villages sans âme, abandonnés, ou peu peuplés. Des montagnes parsemées limitant la vue infinie de l’Altiplano sans arbres. Des routes sablonneuses, d’autres parfaitement pavées, et tout ce qu’il y a entre les deux. La générosité des quelques personnes rencontrées.
C’est la Ruta Andina, une route chilienne qui suit la frontière avec la Bolivie, qui fut mon défi d’introduction dans mon quatorzième pays du parcours. Dix jours de relative solitude, où il faut s’assurer d’amener suffisamment à manger et se faire de bonnes réserves d’eau lorsque c’est possible. Il n’y a qu’à Colchane et Ollagüe (voir la carte à la fin de l’article) où l’on peut trouver des produits de base, en prenant pour-compte que le magasin est ouvert. À Colchane, j’ai dû aller à l’hôtel ayant un restaurant pour négocier du pain et des cannes de thon. J’ai même pu mettre la main sur un oignon ! Au même moment arrivait un couple d’Allemands en 4×4 et je les ai aidés à négocier en espagnol. J’ai eu la bêtise de partir sur la route sans avoir suffisamment de gaz pour mon réchaud, et ils m’ont évité un détour de dix kilomètres en m’en donnant un peu. C’était la première action généreuse de mes « anges gardiens » de la Ruta Andina. Ils voyageaient sans grande presse dans les alentours et parcouraient plusieurs autres routes alternatives. Je les ai revus chaque jour par la suite, et ils s’assuraient que je ne manque pas d’eau.
Il y a tout de même de bons points d’eau dans la section nord, mais au sud, cela se corse un peu. Mais pas de panique. Si ce ne sont pas les passagers de quelques véhicules (rares touristes et travailleurs sur les quelques mines aux alentours) qui passent et s’arrêtent pour savoir si je manque d’eau, il y a à plusieurs endroits des stations des carabineros, les policiers au style militaire qui gardent la frontière, où l’on peut en trouver. Un jour, je pédalais près de trois édifices étranges semblant appartenir à une compagnie minière. C’était une station de pompage. « De l’eau bien pure, excellente » que me disait le monsieur remplissant mes bouteilles de cette eau venant de sous la terre et qui se verra contaminée dans le processus d’extraction minière. La Ruta Andina, c’est trois espaces protégés (Parque Nacional de Lauca, Reserva Nacional de las Vicuñas, Monumento Nacional Salar de Surire), mais aussi de grosses mines (une dans une partie du Salar de Surire non protégé, et la géante Collahuasi).
Comment faire pour ne pas se perdre dans ces routes à la qualité aussi variable qu’il y a d’étoiles dans le ciel frisquet de la nuit (j’ai quand même poussé mon vélo une centaine de mètres sur une route qui descendait, faut le faire) ? Sincèrement, les routes secondaires au Chili sont mieux signalisées que les routes principales au Pérou ! Une carte détaillée est tout de même un bon atout, car en connaissant les villages (ou ex-villages) devant, il est plutôt difficile de se perdre en suivant les indications. On peut imprimer ces propres cartes sur le site du ministère des Travaux publics du Chili, ou pour encore plus de détails, les cartes Compass que mes amis allemands avaient dans leur 4×4 montrent toutes les possibilités de chemins. Car peut-être passer par deux ou trois sources thermales n’est pas suffisant en suivant le chemin « principal », que dix jours dans ce décor ne suffisent pas et que l’on veuille faire plus de détours ! De mon côté, je me suis contenté de la ligne plus ou moins droite, reliant les salars entre eux, ces « lacs de sel », oasis pour la faune qui s’y retrouve.
Mon compagnon fidèle sur cette route, ce fut le vent. Il arrive d’un coup en début d’après-midi et ne décolle pas jusqu’autour de 21h. Il souffle de l’ouest, sud-ouest, donc généralement pas en pleine face, mais assez fort pour lui crier des injures. Il bourdonne, il claque, il est tellement présent dans mes oreilles ! Monter la tente et camper relève parfois du défi. Heureusement qu’il y a ces maisons de pierres à moitié détruites dans des villages inhabités qui permettent de cacher sa tente, parfois aussi une structure naturelle, ou sinon les infrastructures des réserves nationales inutilisées au moment où j’y étais.
Le matin, je me roule en boule dans mon sac de couchage en attendant que le soleil tape sur ma tente pour me réchauffer et commencer à dégeler mes bouteilles d’eau, les quelques nuits où il y a eu gel. Mais les journées se réchauffent assez vite. C’est le silence au sortir de la tente. Le vrai silence. Déroutant, tellement ce silence matinal contraste au vacarme de l’après-midi.
J’arrive une dizaine de jours plus tard à Calama, ville minière importante, à une centaine de kilomètres de la plus touristique San Pedro de Atacama. Un hôte CouchSurfing m’accueille à Calama et me permet de me reposer, manger, manger et manger, et réparer quelques trucs. Mon matelas de sol a commencé à fuir sur la Ruta Andina. J’ai bêtement dormi sur ma ceinture et la pointe de la pièce métallique a percé le matelas. Ces trois centimètres entre le sol et moi font toute la différence, me permettant de dormir sur n’importe quelle surface inégale (et j’en ai bien abusé), et je suis bien content de voir qu’on le répare facilement, comme l’on répare une crevaison.
J’aurai vu plus de lamas que d’êtres humains lors de ces dix jours, d’où le titre de la vidéo montée dernièrement à propos de ce segment de route. On peut aussi voir l’album photo de la Ruta Andina en cliquant ici, puis une carte de la route prise ci-dessous ! De Calama, je suis passé sans trop m’attarder à San Pedro. Sortir de San Pedro signifie monter 2 000 mètres en 50 kilomètres, mais une fois cette ligne droite et abrupte au milieu du désert passée, l’Argentine n’est plus loin !
Bravo pour ton voyage et de bon article a lire et la qualité de tes photos et vidéo. Je viens de découvrir ton blog. Je part en mai en vélo pour aller aussi loin que Toi à la terre de feu et plus si possible. Ne lache pas, tu a bien du courrage et de bon but. Bonne rencontre en route comme tu en a fais jusqu’à maintenant.
Merci beaucoup Romain! Profite de ton voyage, c’est une expérience unique!
Waouh, bravo !
Nous, on sera moins courageux, on le fera en voiture fin novembre.
Je viens de découvrir ce site car je recherche des infos sur la « route/piste » de Colchane aux Geysers de Tatio.
Pouvez-vous me dire s’il vous semble qu’un 4×4 soit nécessaire ou un 4×2 serait suffisant ?
Donc pour vous une carte suffit pour se diriger, pas besoin de GPS ?
Avez-vous croisé au moins une voiture ou camion tous les jours ?
Merci pour les infos et bonne continuation …
Bonjour Mylène!
Cette route est merveilleuse, bon choix d’aventure! Définitivement, un 4×4 serait adéquat, car certains segments de route sont assez sablonneux. J’ai rencontré quelqu’un à tous les jours, mais c’était souvent les mêmes que la veille, ce couple d’Allemands voyageant en 4×4. Sinon, je devais voir une à trois autres voitures par jour. Ces Allemands ont loué leur 4×4 à LaPaz, Bolivie, plus près que les centres de location chiliens. Je n’ai jamais eu de GPS, donc je ne sais pas si en avoir un, il me serait utile! En vélo, tout va plus lentement, donc on a le temps d’étudier la route, la géographie, la signalisation et les cartes! N’hésitez pas si vous avez d’autres questions!